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Ethiopie 1929-1936

Les avions du Négus

Potez Po.25

Août - septembre 1929 : les Potez Lorraine


            Nous ne reprendrons pas ici l'histoire de ces appareils, longuement évoquée dans les pages historiques (lin ci-dessous), mais rassemblerons les détails sur les quelques accidents connus.et la fin des appareils malheureusement mal identifiés.                             

Ethiopie 29-36

Le "Nessre Tafari" restera jusqu'à son départ l'avion de Maillet. © Michel Barriere

Le Potez n°3 "Nessre Makonnen" © Michel Barriere

Le Potez n°2 "Nessre Asfawossen" © Michel Barriere

          De septembre 1929 à janvier 1930

                        

            Fin 1929, les 3 Potez et le Junkers basés sur le champ de courses de Jan Meda . Ils  d'abord abrités sous des tentes en toile fabriquées hâtivement avec des bâches, avant la construction d'un long hangar en tôle sur une charpente d'eucalyptus.

            Le 26 septembre, les avions participent aux grandes fêtes de la Maskale qui marquent la fin de la saison des pluies : deux Potez pilotés par Maillet et Schaesberg, effectuent une démonstration de voltige.


            Le Négus fait alors face à des troubles qui se multiplient dans le nord du pays, alimentés par les mauvaises récoltes de 1928. En septembre, le Négus charge le Ras Kassa Haile Darge de rétablir l'ordre. Ce dernier envoie contre les rebelles des troupes gouvernementales, mais les premiers combats début octobre leur sont défavorables avec une perte de 2.700 hommes. A partir de fin novembre, Maillet effectue avec son Potez des reconnaissances sur la zone insoumise depuis Dessye où un terrain a été créé pour faciliter ces missions de reconnaissance.

Le Potez 25 n°2 de Corriger accidenté à Harrar en janvier 1930. [Le Matin]

            

Le 3 décembre, deux Potez et le Junkers participent aux cérémonies marquant l'inauguration du bâtiment voyageurs de la gare d'Addis Abeba.

            Le 19 décembre, le Junkers piloté par Engel et deux Potez pilotés par Maillet et Schaesberg décollent de Dessye pour Addis-Abeba. Engel transporte à cette occasion le Dedjazmatch Wolde Selassie, oncle du Négus et gouverneur de l'Ogaden. Une panne moteur au décollage provoque la chute de l'avion et le décés du passager.

            Maillet ramène en Potez 25 le corps du défunt à Addis Abeba où les honneurs lui sont rendus.


            Ce n'est que le 27 décembre qu'un Potez 25 piloté par Maillet, désormais secondé par Paul Corriger, emporte le courrier d'Addis Abeba à Djibouti. Le 29, il revient de Djibouti, transportant le courrier en sens inverse.


            Le 20 janvier 1930, Joseph Kessel en mission de reportage pour le Matin obtient du Négus la faveur d'être transporté en avion à Harrar avec ses collègues. Le lendemain, le Potez n°1 de Maillet transportant Kessel et Peyré et le n°2 de Corriger transportant Lablache prennent leur vol vers Harrar. Encombré par la foule, le terrain qui leur a été indiqué apparait en fait inadapté et mal préparé; Corriger prend le risque de se poser et brise son appareil à l'atterrissage, heureusement sans dommage pour l'équipage. Démonté sur place, le Potez, est ramené à Addis Abeba pour y être réparé.

          Février & mars 1930


            A la mi-février, la situation politique éthiopienne se dégrade de nouveau. Le Ras Gugsa Wolie, ex-mari de l'impératrice Zaoditou et gouverneur de Begemder, se rebelle contre le Négus. Le 24 février, l'impératrice et le Négus signent la Proclamation Impériale de Yekatit déclarant Gugsa Wolie rebelle. Le Djedaz Mulugeta, Ministre de la Guerre, quitte Addis Abeba à la tête d'une armée de 30.000 hommes.

            De son côté, le Ras Gugsa s'est mis en marche vers le sud-est avec 10.000 hommes, 10 mitrailleuses et deux canons. Son avance est surveillée par les Potez de Maillet et Corriger qui lancent des proclamations adjurant les rebelles de se rendre ; ils assurent également la liaison entre Addis Abeba et le Ministre de la Guerre, le Dedjazmatch Mulugeta, qui commande les troupes du Négus. Le 28 mars, Maillet et Corriger observent le franchissement de la frontière de la province par les troupes rebelles que les deux Potez surveillent de nouveau le 30 mars.


            Le 31 mars, Maillet, piloté par Corriger, constate que le Ras Gugsa s'est mis en marche pour se positionner en prévision d'une attaque. Ayant emporté quelques bombes, il les utilise puis se pose suggérer à Mulugeta d'attaquer sans attendre. Vingt minutes après, les troupes gouvernementales fortes d'environ 20.000 hommes équipés de 7 mitrailleuses et 5 canons, sont en marche. La rencontre a lieu à Debre Zebit dans la plaine d'Anchem. Maillet s'envole dans un Potez piloté par Corriger avec un chargement de bombes qu'il utilise sur les mitrailleuses et les concentrations de troupes des rebelles. A 10h30, les deux aviateurs ont la certitude d'un victoire complète qui coûte la vie au Ras Gugsa.

            Le 1° avril, les deux Potez sont de retour à Dessye, Corriger transportant deux blessés graves et Maillet son mécanicien et le corps du Ras Gugsa. La provision d'essence de Dessye étant insuffisante pour les deux appareils, seul Maillet rejoint Addis Abeba où une cérémonie a été organisée par le Négus.

            Avril à juillet 1930 : les Potez Hispano


            Le deuxième service aérien entre Djibouti, réticent à utiliser cette voie aérienne, et Addis Abeba n'a lieu que le 14 avril 1930, assuré par le Potez 25 de Maillet.   

            Au début de 1930, Maillet a obtenu du Négus la commande de nouveaux appareils : 3 Potez 25 supplémentaires, à moteur Lorraine. Si le contrat a été lancé conformément à ses voeux, Henri Rabatel, directeur commercial d'Hispano-Suiza, venu avec le Farman F.194 n°1 réussit début mai à obtenir le remplacement des moteurs Lorraine de 450 cv par des moteurs Hispano de 500 cv, malgré un surcoût de 48.000 francs par appareil.

            Maillet cherche à faire revenir le Négus sur sa décision avec un rapport virulent contre les Potez Hispano qu'ils considère comme trop lourds du nez et inadaptés au climat éthiopien, mais des maladresses le desservent auprès du Négus et il n'obtient pas gain de cause. Pire, son contrat, qui doit être renouvelé le 3 juillet, est résilié à cette date.


            Les 3 Potez Hispano, ainsi qu'un Farman 192, arrivent pour renforcer la flotte aérienne de l'Ethiopie, probablement en juillet 1930.

Il semble que, tout au long de leur carrière, les Potez Hispano ne portèrent pas de signes ou marques distinctifs. [© Michel Barriere]

L'aviation éthiopienne à l'été 1930 sur le terrain de Jan Meda : 3 Po.25 Hispano, 3 Po.25 Lorraine et le F.192. Les appareils école sont à Djidjiga. [Coll Michel Barrière]

          D'août à décembre 1930


            Nous connaissons peu de choses sur l'activité des Potez pendant la période des fêtes du couronnement. Ils furent certainement mis à contribution pour effectuer des transports divers dans cette période, mais les éléments correspondants nous manquent.

            Les quelques liaisons postales avec Djibouti durent être surtout effectuées avec le premier Farman 192.             

          1931 - 1933


            En 1931, l'aviation impériale dispose de 10 appareils, les missions de transport étant assurées par les 6 Potez 25 et les 2 Farman F.192; la formation par le DH.60M, le Breda 15, ainsi que par l'un des Po. 25 à double commande.

            1934


            Un jour de janvier 1934, le Potez Lorraine n°1 décolle de Jan Meda aux mains de Tesfa Mikael Hayle, accompagné du mécanicien Haile Yesus. Il ne va pas loin et s'écrase dans la forêt d'eucalyptus bordant le terrain, sans dommage pour l'équipage. L'appareil aurait été détruit suite à cet accident, ce qu'Adrien Zervos semble confirmer dans son ouvrage "L'Empire d'Ethiopie" (1935). Néanmoins, l'état de l'aviation donné aux journalistes par Corriger à l'été 1935 paraît considérer trois Potez Lorraine opérationnels.

            

            1935


                Le 11 mai 1935, un Potez 25 à moteur Hispano piloté par Bahru Kaba accompagné de Maignal transporte vers Harrar le Dedjazmatch Nasibu Zamanuel. Surpris par d'épais brouillards, le pilote est obligé d'atterrir au sud de Harrar. Le 13 mai, il tente de repartir vers Dire Dawa. Obligé d'atterrir de nouveau, à Kori Bouralé, il heurte une termitière qui se confondait avec le terrain. Il n'y a pas d'accident de personne, mais l'hélice et les roues sont gravement endommagées. Un camion est envoyé de Djidjiga pour y ramener Bahru et Maignal. Les deux aviateurs regagnent ensuite Dire Dawa et rentrent par le train.

Cette photo est donnée comme représentant le Potez 25 n°3 d'Asfaw Ali accidenté près de Makale. La date de cet accident est inconnue.

            Dans l'Empire d'Ethiopie (1935), Zervos donne un décompte crédible des forces aériennes éthiopiennes. Il mentionne alors 5 Potez dont 2 Potez-Lorraine et 3 Potez-Hispano.

            D'août à octobre 1935, Corriger donne à plusieurs reprises aux journalistes une description des moyens de l'aviation éthiopienne au début des hostilités.

            Il indique généralement qu'il dispose d'un potentiel "théorique" de 6 Po25 (?). Trois sont relativement en bon état; deux, accidentés lors de missions à Harrar et sur le Tigré, sont indisponibles. Bien que leur réparation soit d'abord prévue comme longue (plusieurs semaines, voire plusieurs mois), ils auraient tous été remis en état de vol en septembre. Le sixième Potez est un appareil à double commande utilisé pour la formation et jugé pratiquement inutilisable dans un autre contexte.

            En janvier 1936, Corriger ne cite plus que 5 Potez 25 utilisables, dont seulement deux Potez Hispano, le Potez "manquant" pouvant être celui d'Asfaw Ali, accidenté dans des circonstances inconnues et abandonné début octobre à Makallé.

            Le 9 octobre, un Potez 25 ramène Wodaju Ali à Makale, évitant les patrouilles italiennes. Cet appareil pourrait être le Potez Hispano qui, accidenté à l'atterrissage, restera dissimulé à Makale jusqu'au début novembre. Inquiet pour sa sécurité, Haile Selassie Gugsa vient de fuir pour passer du côté italien avec 1500 hommes. Par la suite, la plupart des appareils éthiopiens ne dépasseront pas Dessye, pour éviter une rencontre fatale avec les chasseurs italiens qui patrouillent la zone nord.


            Le 8 novembre, les troupes italiennes capturent  dans le ghebi de Makale un Potez 25 avec moteur de 500 cv et hélice métallique. L'appareil est dit "démonté, complet et au moteur en parfait état". Il s'agirait d'un Potez 25 Hispano accidenté au début du mois d'octobre, et en attente de réparation.

            Le 19 novembre, un communiqué italien annonce que le Potez 25 capturé sera réutilisé comme prise de guerre par l'aviation italienne.


  

          1936


            En janvier, en reportage sur le front érythréen pour l'Illustration, Géo Ham voit les restes du Potez 25 Hispano capturé en novembre. Sa description, qui ne concorde pas avec les comptes-rendus initiaux faisant état d'un appareil démonté mais en bon état, laisse à penser qu'une tentative d'utilisation malheureuse en a été faite par les italiens : "Près d'un buissson de cactus, un rayon de lune éclaire le fuselage démantelé de Potez 25 enluminé de la cocarde rutilante de l'aviation éthiopienne. C'est le squelette de l'oiseau blessé qui s'écrasa quelques jours avant la chute de Makallé".


            Le 16 mars, le Fokker F.VIIa Abba Dagnew quitte Addis Abeba piloté par von Rosen avec à son bord Junod et un mécanicien éthiopien. Après un ravitaillement à Dessye, il repart en fin d'après-midi pour éviter une mauvaise rencontre et se pose dans la plaine de Korem à proximité d'un Potez 25 arrivé une demi-heure plus tôt.

            Le 17 avant le lever du soleil, les deux appareils sont vaguement camouflés avec des branchages. Environ une heure après, 3 Ca.133 les repèrent, leur "camouflage" de broussailles vertes les faisant apparaitre clairement sur la plaine désertique. Le Potez 25 est aussitôt détruit par un coup direct.

            Les communiqués Italiens mentionneront la destruction de deux Potez, feignant d'ignorer l'identité du Fokker de la Croix Rouge pourtant clairement identifiable sur les photographies aériennes : "Au sud du lac Achianghi, dans la plaine de Ciolla-Amadir, notre aviation a repéré au sol deux avions éthiopiens camouflés. Malgré la violente réaction de petits canons anti-aériens, nos appareils descendant à une basse altitude, réussissent à frapper les deux avions éthiopiens et à les détruire."


            Le 24 mars au matin, un appareil de reconnaissance repassant sur Dabat pour constater les résultats du bombardement précédant a la surprise de repérer en bordure du terrain un appareil éthiopien. L'appareil est incliné sur le flanc, faisant supposer qu'il a été accidenté à l'atterrissage. Il s'agit cette fois d'un "biplan monomoteur biplace de couleur vert olive" portant les couleurs éthiopiennes sur les ailes et le gouvernail, en fait un Potez Lorraine. Le vernis très brillant sur le fuselage étroit laisse supposer un appareil neuf ou récemment repeint. Une rafale de mitrailleuse bien placée enflamme l'appareil éthiopien. Malgré le feu ouvert par des mitrailleuses cachées en bordure du terrain, l'appareil italien surveille le résultat de son action avant de s'éloigner.


            Le matin du 4 avril à 7h30, 5 IMAM Ro37 de la 107° Squadriglia, commandés par Tito Falconi, qui sont en surveillance au-dessus de la route caravanière reliant Dessye à la capitale repèrent "un Potez" rentrant vers Addis-Abeba, selon toute vraisemblance le Potez Lorraine n°2. L'appareil poursuivi se pose à Akaki. Il est légèrement endommagé par le mitraillage au sol, ne recevant que quelques balles. Le Farman 192, qui se trouve sur le terrain à l'extérieur des hangars, donné comme "inutilisé depuis un an" , est mitraillé et incendié. Les hangars sont mitraillés ; un appareil civil utilisé par United Press qui se trouve à l'intérieur n'est pas endommagé. Une source britannique mentionne néanmoins des incendies dans les hangars, conduisant à la destruction de 3 appareils. L'état du Breda 15 lors de sa capture début mai corroborerait cette information.

            Aussitôt après, l'Empereur et son ministre des affaires étrangères viennent constater les dégâts sur le terrain.


            Le Potez n°2 est remis en état dans les jours qui suivent sous la direction de Demeaux. Le 29 avril au soir, prenant un sérieux risque, il est envoyé en mission le long de la route Debra - Brehan - Tarmaber pour voir la position des troupes parties d'Addis pour renforcer la défense de la capitale. Il ne voit rien sinon la voiture de l'attaché militaire britannique et les camions gris de la Croix rouge revenant à toute vitesse du nord du Shoa. Le pilote est inconnu; il pourrait s'agir de Seyoum Kebede, seul pilote avec Babitcheff et Robinson possédant encore une armoire personnelle dans le hangar d'Akaki.


            Le 5 mai, les Italiens capturent les appareils éthopiens survivants et les regroupent sur le terrain d'Akaki. Parmi eux, figure toujour le Potez Lorraine n°2 ; son sort ultérieur est inconnu.

Le Potez 25 Lorraine n°2, seul survivant des Potez, capturé par les Italiens à Akaki en mai 1936. Il a été repeint récemment, peut-être après le mitraillage du 4 avril.

Michel Barriere]

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