Crezan
F190
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F190

F.190 n°29 /(7150)


            En novembre 1929, la revue Hispano-Suiza résume les activités des constructeurs aéronautiques et précise : "Trois appareils F.190 équipés du 250 cv Hispano sont actuellement en cours de montage. L'un d'eux a été retenu par la Maison FARMAN elle-même, qui tient à établir des performances comparatives de son appareil équipé de moteurs différents".

            Ce troisième appareil pourrait bien être le F.190 n°9 qui aurait été donc utilisé pour prototyper l'installation du moteur en ligne Hispano-Suiza HS 6 Mb et du radiateur d'eau sous le fuselage ainsi que pour ces essais moteur effectués par Farman à l'automne 1929. Compte tenu de leur période de production, les F.194 n°1 et 2 pourraient tout à fait avoir utilisé les cellules F.190 n°29 et 30, a priori de numéros constructeur 7150 et 7151, ce que nous admettrons ici.

             Ceci étant, le fait que la cellule n°9 date de mars-avril 1929 alors que les cellules n°29 et 30 datent plutôt de septembre nous fait supposer que la définition de l'installation du moteur en ligne Hispano-Suiza HS 6 Mb, qui donne cet aspect très particulier au F.194, n'a pas été immédiate.   

F.194 n°1 / 7150

F-AJID


            La cellule F.190 n°29, n/c probable n/c 7150, équipée d'un moteur Hispano-Suiza HS 6 Mb avec hélice Ratier, constitue le F.194 n°1, doté d'un train Messier avec roues à freins différentiels.


            Le montage du F.194 n°1 se termine en décembre 1929, et Coupet en effectue alors les premiers essais. Il est le premier exemplaire d'une série qui restera courte malgré les importants efforts commerciaux d'Hispano.

Le F.194 F-AJID dans sa livrée d'origine. [© Michel Barrière]

Le F.194 n/c 1 F-AJID pendant ses essais.


            En janvier 1930, Coupet poursuit les essais et l'avion débute ses essais au S.T.I.Aé, atteignant une vitesse sur base de 193 km/h.


            Chez le motoriste, le F.194 n°1 est pris en charge par Henri Rabatel, ancien pilote de la Grande Guerre (escadrille des Cigognes), devenu agent commercial d'Hispano-Suiza.

  


            Début février, Rabatel envisage un voyage dès la fin du mois vers l'Éthiopie. Il est envisagé qu'il soit accompagné de Lefèvre et Lotti.

            A la fin du mois, il commence son instruction au pilotage sans visibilité chez Farman. Simultanément, il effectue les vols de mise au point du F.194. Le 7 mars, le F.194 n°1 est enregistré à son nom avec les CdN/CdI 2359. 

            Début mars, Lefèvre et Lotti abandonnent le projet de voyage en Éthiopie pour effectuer un tour de la Méditerranée en Potez. Henry Massot est


            Une fois l'autorisation de survol de l'Ethiopie obtenue, Rabatel et Massot partent, sans perdre de temps, vers Addis-Abeba.

            Le 25 mars, avant le départ de leur voyage, Lucien Coupet effectue un vol d'essai de l'appareil.

            Le 28 mars, Rabatel et Massot décollent du Bourget pour ce voyage de présentation du matériel jusqu'en Éthiopie où la guerre commerciale fait rage entre les motoristes français.


            Madame Rabatel qui se rend auprès de sa mère à Athènes les accompagne dans la première partie du voyage : Marseille (30/03), Rome, Belgrade, Bucarest (02/04), Sofia (04/04), Athènes (06/04). Les deux pilotes continuent ensuite vers Addis-Abeba via Alep (09/04), Le Caire, Atbara, Djibouti (12/04).

Rabatel et Massot avant leur départ pour l'Ethiopie [Les Ailes]


            Ils séjournent à Addis-Abeba jusqu'au 27. Ils y sont reçus par le Ras Tafari auquel Rabatel tente sans succès de vendre son propre appareil ; à cette occasion, le jeune prince Makonnen vole sur l'appareil et, à défaut d'affaires, Rabatel et Massot réalisent de belles chasses.

            Ils rentrent ensuite par Djibouti (28/04), Port Soudan (29/04), Assouan, Le Caire, Beyrouth (07/05), Athènes, Salonique, Novi Sad, Bucarest (13/05), Varsovie, Berlin, Bruxelles avant leur retour à Paris le 17 mai 1930, ayant parcouru 23.000 km.

En avril 1930, sur l'hippodrome de Jan Meda qui sert de terrain pour Addis-Abeba.

De g à dr, le F.194 F-AJID, 2 Potez Lorraine, le Fiat As-1 et le DH 60 acheté en mars à Jacques de Sibour. [L'Aéronautique]


            Le 21 mai 1930, Chailloux effectue un essai de 20 minutes du F-AJID, dans un contexte indeterminé : essai de matériel pour le constructeur ou test pour les Lignes Farman ?

            Le 29 juin, Rabatel participe avec son F194 au meeting aérien de Douai-La Brayelle. En juillet, il fait avec son épouse un nouveau voyage en Europe Centrale.

            En septembre, le Farman est vendu à Gilbert Lane, homme de théâtre (sous le pseudonyme de Gilbert Leslie) et de cinéma, aviateur français de l'American Expeditionary Corps et membre de l'American Legion. L'enregistrement est effectué le 2 octobre.


            Lane a le projet de Lane de rejoindre Addis-Abeba en se contentant d'une seule étape intermédiaire, au Caire, puis d'effectuer avec l'aide de l'opérateur Sammy Brill, déjà sur place, un reportage cinématographique sur l'Éthiopie et le couronnement du Négus. Il prévoit ensuite de continuer vers Le Cap.

            Pour réaliser ce raid, il fait équiper l'avion de grands réservoirs supplémentaires en cabine.


            Le F.194 n°1 ainsi équipé est livré le 16 octobre à Lane qui part aussitôt à Londres préparer son voyage. Son pilote est Pierre Nicolas, dit Silverbaum, sergent du 34° Régiment d'Aviation qui vient d'être libéré.

            Le 23 octobre, tous deux sont de retour de Croydon pour terminer le chargement de l'avion et faire les pleins.

Le F-AJID au Bourget en octobre 1930 [ Photo André ]

            Le 24 octobre 1930 au matin, Pierre Nicolas tente à 7 reprises de faire décoller le Farman surchargé.


            A la demande des autorités de l'aéroport, les aviateurs déchargent à regret 600 litres de carburant. A 12H30, après une tentative terminée par un cheval de bois, l'avion décolle. Avec un fort vent de travers, il peine à s'élever, volant "en rêve de valse". Comme le pilote tente imprudemment de virer vers le sud-ouest, un coup de vent scelle leur destin : l'avion décroche à 50m d'altitude et s'écrase au centre de la ville du Bourget dans une cour d'immeuble (92 avenue du Pont-de-Flandres).


            Les deux aviateurs meurent dans l'explosion des réservoirs qui contiennent encore 800 à 1000 litres de carburant. Les pompiers de l'aéroport qui suivaient avec inquiétude leur tentative arrivent rapidement ; il n'y aura heureusement qu'un blessé léger dans la population.


            Cet accident d'un "avion de grand raid" comme le présentent les journaux aura pour conséquence un renforcement de la réglementation sur les décollages à partir de l'aéroport du Bourget. Plusieurs raids ou voyages ultérieurs perdront ainsi quelques jours dans l'attente d'autorisations spéciales ou seront amenés à décoller du Bourget avec des réservoirs de carburant incomplets, leur première étape s'achevant ainsi souvent à Marseille ou Barcelone.


            L'appareil est enregistré comme détruit et rayé du contrôle le 21 novembre.

Les Avions Farman

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F.194 n°2 F-AJIE