Crezan
F190
Crezan
F190

F.190 n°(36) / (7160)


            Depuis la brillante démonstration de Bailly et Reginensi en mars-avril 1929 avec leur F.190 Titan, la guerre commerciale des motoristes dans les moteurs de 250 cv s'est amplifiée. Le vol de Goulette et Marchesseau en octobre 1929 a permis à Salmson d'établir un record, aussitôt battu par le Gnome-Rhône de Bailly et Reginensi. Le développement du F.194 d'Hispano-Suiza, doté d'un moteur en ligne s'avère laborieux.

            Il s'agit pour la Société Générale Aéronautique productrice des moteurs Lorraine et fournisseur apprécié des services étatiques notamment pour les avions coloniaux, de ne pas être absent face à la concurrence : la société organise donc "son" raid vers Madagascar. Un débat apparaitra plus tard sur le soutien, apporté ou non, à ce projet par les services étatiques dont Lorraine est un fournisseur apprécié.


            La cellule d'un F.190 équipée d'un moteur Lorraine fait probablement partie des projets prévus par Farman en cet automne 1929, mais comme en témoigne sa numérotation F.197, Lorraine plus impliquée sur le marché militaire que le marché de tourisme n'a pas dû en faire une priorité à l'origine.

            Le prototype produit sera donc le F.197 n° 1. Comme le F.192 de Goulette, il s'agit probablement de la conversion d'une cellule déjà en production, n°35 ou 36. Son numéro constructeur, inconnu, pourrait être corrélativement 7159 ou 7160. Nous supposerons chronologiquement la seconde, bien que le travail d'adaptation ait sans doute été plus long que pour le F.192 défini depuis quelques mois; et peut-être plus complexe : en fait, la version F.197 se verra rapidement dotée d'une cellule spécifique.

F.197 n°1 / (7160)

F-AJJK


            C'est dans ce contexte que la Société Générale Aéronautique acquiert la cellule qui équipée d'un moteur Lorraine 7 Me "Mizar", devient le F.197 n° 1.

            Le 11 décembre 1929, il reçoit le CdN / CdI 2323 ainsi que l'immatriculation F-AJJK.


            Hormis le mécanicien Gaston Dodement, employé du motoriste, l'équipage militaire est sans aucun doute expérimenté, mais peu familier des vols coloniaux : l'adjudant Léopold Roux, pilote, appartient au 34° Régiment d'aviation et l'ingénieur en chef de l'aéronautique Raymond Caillol, navigateur et second pilote, au S.T.I.Aé.

            Le manque d'expérience de l'équipage se perçoit dans l'optimisme inhabituel du tableau de marche initial qui ne prévoit que 7 étapes : Colomb-Béchar, Gao, Fort-Lamy, Coquilhatville, Élisabethville, Quelimane, Tananarive. L'équipage espère même pouvoir réaliser la liaison en 4 étapes seulement : Colomb-Béchar (2100 km), puis Gao (1900 km), Élisabethville ou Tete, puis Tananarive.

Le F.197 n°1 F-AJJK avant son départ [Coll Michel Barrière]

            Le 5 décembre, Le Matin annonce ce nouveau projet de laison France - Madagascar. Initialement prévu pour le 9 décembre, le départ est retardé par une violente tempête qui souffle sur la France. Le 11, Caillol et Roux effectuent un vol d'essai de consommation du F-AJJK au dessus de Toussus-le-Noble. L'avion est ensuite convoyé au Bourget où l'équipage effectue les derniers préparatifs, chargeant l'avion avec des vivres et 35 kg de courrier. Le 13 décembre à 2h25, le F-AJJK piloté par Roux décolle pour se poser, après dix heures de vol, sur l'aérodrome d'Oran - La Senia.


            Après un ravitaillement rapide, l'équipage reprend l'air à 13h20 pour Colomb-Béchar, mais à la tombée de la nuit, décide d'atterrir sur une bande de sable à Béni Ounis. Le lendemain, reparti de bonne heure, Roux pose à 14h00 le F-AJJK à Reggan.


            Bloqués durant une journée par une tempête de sable, ils ne reprennent leur vol que le 16. Décollant à 6h00, le F-AJJK traverse le désert sans problème pour se poser en fin de journée à Gao. Le 17, l'étape Gao - Niamey est effectuée rapidement. Le 18, le Farman arrive à Zinder vers 13h50. Il en repart le lendemain, fait escale à Fort Lamy pour ravitailler avant d'arriver à Fort Archambault à la tombée de la nuit. Le 20, l'appareil atteint Bangui vers 9h00.

            Deux heures plus tard, il repart vers Coquilhatville où il reste bloqué une semaine par les violentes tornades qui sévissent dans les régions que le F-AJJK doit traverser.

            Ce n'est que le 27 décembre que le F-AJJK peut reprendre sa route. L'espoir de battre le record de Bailly, Reginensi et Marsot s'est définitivement envolé. Bloqué quatre jours à Quelimane, le Farman en repart le 30, atterrissant sur la grande île à Mahatsinjo, et ne rejoignant Tananarive que le 1° janvier vers 15h00.

Roux, Caillol et Dodement [Coll Michel Barrière]

En escale à Coquilhatville en décembre 1929.

[Coll Michel Barrière]

            Le 10 janvier, après huit jours de repos dont les trois hommes ont profité pour visiter le lac Itasy, le F.197 F-AJJK repart pour la métropole. Lors de la traversée du canal du Mozambique, l'équipage survole l'îlot de Juan de Nova et jette un message lesté à Bourgeois qui garde le F-AJJB, avant de se poser à Quelimane.

            Le 13, l'avion disparaît sur le chemin de Port Francqui. Selon toute vraisemblance, après avoir été frappé par la foudre, il s'est écrasé en pleine forêt équatoriale, entre les postes de Mangaï et Lubué le long du Kasaï.


            L'avion disloqué et les corps des aviateurs ne sont retrouvés que le 14 mars. Inhumées sur place, leurs dépouilles seront rapatriées en France début juin.


            Le F-AJJK est rayé du registre en octobre 31.

Le F.198 n°1 F-AJJK [© Michel Barrière]

Les Avions Farman

Tous droits réservés - Michel Barrière - crezan.aviation@gmail.com

F.192 n°4 F-AJLU