Crezan
F190
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F190

F.190 n°51 / 7211

F-AJTS


            A l'été 1930, l'Institut international d'anthropologie organise une mission scientifique transsaharienne conçue et commandée par le commandant Charles Bénard Le Pontois. Organisée sous les auspices du maréchal Lyautey, elle a pour but de faire des fouilles et de recueillir des éléments historiques et anthropologiques en vue de l'Exposition Coloniale, ainsi que de rassembler des observations scientifiques. Elle est composée de 17 personnes : plusieurs savants et techniciens, deux cinéastes, un peintre, un médecin, nommément : le Professeur Kossowitch de l'Institut Pasteur, Germain Desfossés et son épouse, infirmière-major, François de Saint-Just, le colonel Engerand, M. Brabant, le commandant Le Camus (géologue – météorologue), Mlle Camuset (ethnologue), MM. Harisson, Jean Etienne, Moreau, Bignell, Benoit, Thomas-Rouault, Faivre, Parquel, Vigier, …..

            Elle utilise 3 camions Laffly, qui doivent à cette occasion démontrer les avantages du diesel sur l'essence et d'un avion dont le rôle est plus particulièrement de réaliser des photographies et à établir des relevés trigonométriques et géodésiques.

            René Wauthier propose son aide. Passionné d'études préhistoriques, il a dans le passé effectué de l'archéologie aérienne avec le père Poidebard en Syrie. Les crédits de la mission étant insuffisants, il s'assure de l'appui financier de la Compagnie Générale Transafricaine.


            Le F.190 n°51 est acquis par René Wauthier qui se charge de la navigation, la photographie et la documentation. L'appareil est réceptionné le 24 octobre 1930 par Lucien Coupet. L'avion, immatriculé F-AJTS est baptisé le 28 octobre 1930 "Général Laperrine" en présence de Louis Marin, ancien ministre.

            L'équipage présent le jour du baptême se compose du sergent Marchenaud, pilote, et du mécanicien Parizet. La marraine de l'appareil est Mme Marchenaud, épouse du pilote. Cependant, Wauthier partira seul avec Parizet, l'équipage étant complété à Alger par Charles Poulin, directeur de l'exploitation de la Compagnie Transafricaine d'Aviation (CTA), changement probablement décidé lors de la négociation avec la compagnie sur le financement de l'expédition.

            L'enregistrement du F.190 ne sera effectif que le 15 novembre, avec le CdN 1772 et le CdI 2625. L'appareil possède une hélice métallique, des réservoirs d'ailes standard de 280 litres complétés par un réservoir supplémentaire de 250 litres en cabine.

            Son aménagement interieur est décrit par William Seabrook: deux fauteuils individuels à l'arrière de la cabine accueillent les passagers. Le réservoir supplémentaire est placé comme une banquette le long de la cloison avec le poste de pilotage : il peut servir de table au passager arrière gauche, laissant un couloir étroit pour l'accés et la circulation sur la droite de l'appareil. Un strapontin offre une place supplémentaire, inconfortable, sur la droite du poste de pilotage. La couleur argent dominerait le revêtement des cloisons.

Le F.190 de René Wauthier sous les couleurs de la Mission Scientifique Transsaharienne [Coll Michel Barrière]

L'équipage initial du F.190 F-AJTS le jour du baptême de l'avion. De g. à dr., Parizet, Marchenaud et Wauthier [www.bnf.gallica.fr]

L'équipage définitif du F.190 F-AJTS avant le départ d'Alger. De g. à dr., Wauthier, Poulin et Parizet. A noter sur cette photo, l'ouverture totale de l'habitacle [L'Echo d'Alger]

            

¤ La mission du "Général Laperrine"

            

            Le départ a lieu depuis l'aérodrome du Bourget le 28 novembre. L'avion, descendant par le Sud, est contraint par la météo à deux escales forcées : Angoulême le 29 et Perpignan le 30. Le mauvais temps persistant, le Général Laperrine n'arrive que le 4 décembre à Los Alcazares, puis, le 5, à Rabat. Le 6, après une escale à La Senia de 12h50 à 14h40, il arrive à 17h00 à Alger Maison-Blanche où il est reçu par Poulin, Morvan (chef d'escale Aeropostale), Domenach (chef d'aerodrome Maison-Blanche), etc.


            C'est alors que la mission débute réellement, le Farman devant retrouver à Gao les autres membres de la mission partis de Paris le 7 novembre et venus en bateau par Marseille.

            Le 9 décembre, piloté par Poulin, l'avion s'envole à l'aube d'Alger, survole Laghouat à 8h20 avant de se poser à El Golea à 11h15; reparti ensuite vers Aoulef, il tombe en panne à 80 km d'In Salah. Dépanné par Parizet, il est à Aoulef le 10, puis Reggan le 11. Reparti le 12 à 6h25, il arrive à Gao à 14h30 après une traversée du Sahara sans histoire. Suivant le fleuve, il se pose à Niamey le 15 puis Zinder le 16. Le 17 enfin, il arrive à Fort Lamy, but final de sa mission.

            Le 22, après avoir pris des clichés du lac Tchad, l'équipage entame son retour vers la France. Le 23, il est à Gao. A Birni N'Komi, il rencontre Lefèvre et Demazières, qui se rendent à Madagascar en Potez 36. Le 28, il effectue la traversée du Sahara et se pose à Aoulef. Le lendemain, à 6h30, il remonte sur El Golea après une escale à 8h00 à In Salah. Repartis le 30 à 6h45, il se pose à Laghouat de 11h05 à 13h10, il se pose à Alger Maison-Blanche à 16h10.


            

            Le 7 janvier, le Farman, n'emportant que Wauthier et Parizet, décolle à 8h40 pour Oran. Puis il revient vers Alger où il demeure de nouveau pendant quinze jours. Le 23, il entame le retour vers la France avec cette fois Wauthier, Poulin et Parizet. Décollant de Maison Blanche, il est à Alicante vers midi. En fin de soirée, il est à Toulouse. Là, l'équipage prend un jour de repos. Le 26 janvier, le Farman remonte vers Paris, survolant Tours peu après midi. Il atterrit enfin au Bourget dans l'après-midi.


            L'emploi du Général Laperrine dans les mois qui suivent est assez discret. En juin 1931, il fait des apparitions à Toussus-le-Noble. En août, Wauthier envisage de faire un voyage de Paris à Pékin par la Sibérie avec retour par la Route des Indes en compagnie de Gustave Bonnet, et fait remplacer le Gnome-Rhône du Farman par un Lorraine Mizar et, le 23 septembre, l'avion est enregistré comme F197 n° 7.

F.197 n°7 / 7211

F-AJTS


            En août 1931, Wauthier envisage de faire un voyage de Paris à Pékin par la Sibérie avec retour par la Route des Indes en compagnie de Gustave Bonnet. Il fait alors remplacer le Gnome-Rhône de son Farman F190 n°51 par un Lorraine Mizar. Le 23 septembre, l'avion est enregistré comme F197 n° 7. Les ailes d'origine, sans réservoirs de bord d'attaque, sont conservées ainsi que le réservoir supplémentaire en cabine. L'avion est équipé d'une hélice métallique Levasseur et d'un filtre à sable.

            En octobre, alors qu'il accompagne avec son Farman le Tour de France du concours national technique des avions de tourisme assurant à cette occasion le transport de Hirschauer, Wauthier abandonne le projet de voyage à Pékin et envisage un voyage vers les Indes néerlandaises. Mias le hasard des rencontres va le renvoyer en Afrique.


            ¤ "Air adventure"


            Le 18 janvier 1932, l'écrivain américain William Seabrook cherche un appareil pour se rendre à Tombouctou pour rencontrer le père Yacouba, un ancien père blanc sur lequel il prépare un ouvrage. Un ami lui présente Wauthier, qui vient de décider de passer en Afrique les 40 jours de permission qu'il prend chaque année à cette époque favorable à la réalisation de tels voyages. Les deux hommes tombent rapidement d'accord et le 21 janvier à 9h30, Wauthier, Seabrook et son amie romancière, Marjorie Worthington, quittent Toussus.


            Passage à Poitiers pour y abandonner discrètement les parachutes règlementaires que Wauthier juge sans réelle utilité dans cet appareil, puis ravitaillement à Toulouse-Francazals. Ensuite, survolant Barcelone et Alicante, ils rejoignent Carthagène. Repartis le 22 à l’aube, ils rencontrent une heure plus tard une épaisse couche de nuages sous laquelle Wauthier se glisse mais, le plafond s'abaissant, il passe au-dessus de la couche jusqu'à la côte. Sous un ciel dégagé, il se pose sur le terrain d’Oran, attendu par les amis de Wauthier que Carthagène a prévenu de leur arrivée. Remisant l’avion dans le hangar, Wauthier décide de rester une journée complète afin de réviser le moteur.


            Le 24 au matin, les voyageurs décollent, se posant quelques heures plus tard à Colomb-Béchar pour ravitailler, et atteignent en fin de journée Reggan pour y passer la nuit, hébergés au bordj Estienne dans un hôtel de la Compagnie Générale Transsaharienne (C.G.T.). Le lendemain Wauthier fait étape à Bidon V vers midi pour passer la nuit dans ce lieu exceptionnel. Le 26, peu après leur départ, ils rencontrent une violente tempête de sable et Wauthier effectue un atterrissage d'urgence, mettant ses passagers à contribution pour sécuriser et arrimer l’avion. Puis tous attendent, abrités dans une tranchée, la fin de la tempête; à 15h00, le Farman peut rejoindre Gao, se posant au crépuscule sur le terrain militaire. Le 27 janvier, après une nuit de repos, l’équipage repart au lever du jour vers Tombouctou où il se pose pour le petit déjeuner.        

Le F.197 F-AJTS en janvier 1932. Sous le second hublot, les étapes de la mission transsaharienne peintes par Wauthier lui-même : PARIS, RABAT, ALGER, GAO, LE TCHAD. Sous le hublot arrière, le voyage en cours : PARIS, TOMBOUCTOU [© Michel Barrière]

Le F-AJTS converti en F.197 au Sahara en janvier 1932.

Devant l'appareil: Seabrook [Coll Michel Barrière]


                        L'escale à Tombouctou dure jusqu'au 2 février. La veille du départ, Wauthier apprend par la TSF, sans s'inquiéter outre mesure, que Reginensi, qu'il connait depuis l'école, et ses équipiers se sont posés dans le désert. Le 2 février, le Général Laperrine quitte Tombouctou, suit le Niger pour se poser peu avant midi à Bamako où, reçus par le lieutenant Jouhaud et le capitaine Morgan de l’escadrille de Bamako, ils décident de rester quelques jours. Le 4 février, apprenant que Reginensi n’a toujours pas été retrouvé, Wauthier envoie un télégramme au Ministère de l’Air pour proposer son aide, qui est acceptée. Avec l'accord de ses passagers, il décide de remonter sur Gao et d'y laisser Marjorie Worthington et les bagages qui les rejoindront à Reggan avec une voiture de la C.G.T.; Seabrook et lui-même continuent vers In Salah pour se mettre aux ordres du colonel Vuillemin.


            Le 5, à l'approche de l'aube, le Farman s’envole vers Gao atteint en fin d’après-midi. Le lendemain, parti à 4h00, il rejoint Reggan pour ravitailler et se reposer, puis le 7, décolle dans la nuit pour se poser à 9h00 à In Salah. Vers 10h00, Wauthier apprend le sauvetage de Reginensi et ses équipiers par Vuillemin; tous se regroupent le soir même à In-Salah.

            Revenu à Reggan, le Farman stationne du 8 au 11 février au bordj Estienne où les deux hommes visitent les oasis environnantes en compagnie d'Estienne. Le véhicule amenant Marjorie Worthington, dont le chauffeur s'est égaré dans le désert, ne rallie l’oasis que le 12 en fin de soirée. Le 14, l'avion rechargé repart vers 5h00 du matin pour Oran, faisant escale à Colomb-Béchar pour ravitailler. Victime d’une panne d’indicateur de pression d’huile, Wauthier est obligé de se dérouter sur le terrain de secours d’Ain-Sefra pour réparer, arrivant vers 14h00 à Oran où ils assistent, ainsi que Bossoutrot et Rossi, au baptême du Potez 36 "Ville d'Oran" offert au club par la municipalité


            Repartis vers la métropole le 16, ils se posent à Séville pour la nuit. Le 17, ils traversent l'Espagne, survolant Madrid, franchissent les Pyrénées enneigées au Somport avant de se poser à Biarritz. Le 18, l’avion repart à 6h05 du matin et se pose à Poitiers pour y reprendre les parachutes.

            Après une nuit de repos, le Farman est de retour au Bourget le 19 février à 15h05. Parmi les personnalités présentes à l'arrivée au Bourget se trouve la comtesse de Bomberghen, membre de la Société de Géographie, spécialiste des questions d'histoire et d'ethnographie, qui deviendra peu après Madame Wauthier.


            Au troisième trimestre 1932, le F.197 n° 7 est rayé du contrôle, probablement délaissé par Wauthier qui, pour l'expédition en Afrique centrale qu'il projette pour 1933 en vue de reconnaître une route aérienne et terrestre entre le Hoggar et le lac Tchad, a décidé d'utiliser le SPCA 218.

Les Avions Farman

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F.199 n°1 F-AJZO