F60
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Farman F.60 "Goliath"

Liste de production F.60

F.60 n°3   [n/c ....]

F-HMFU

            

            En avril 1919, 5 appareils sont en construction [Popular Science]. Le F.60 n°2 est encore en essais début juillet 1919. Compte tenu de la préparation du FF.60 n°1 pour le raid Paris-Dakar où il disparaîtra, Farman ne dispose à partir de juillet que du n°2 pour offrir une liaison hebdomadaire sur Bruxelles. Celui-ci faisant un voyage de présentation à Copenhague en août, il semble que les voyages commerciaux se soient de fait arrêtés en juillet. 


            Au plan commercial, les événements s'accélèrent : à l'été 1919, Farman finalise une commande avec un entrepreneur cubain, alors que la Compagnie des Grands Express Aériens (CGEA), fondée en juin pour exploiter en priorité les lignes Paris - Londres et Paris - Lausanne - Genève négocie ses premiers Goliath et que les Colombiens préparent la demande qu'ils formaliseront en octobre. Un appareil doit en outre être disponible pour le Salon Aéronautique de Paris.


            Compte tenu de la faible fréquentation de la ligne Paris- Bruxelles, Farman décide en septembre d'interrompre les services aériens de la SGTA jusqu'à l'année suivante. Les dates des livraisons effectuées montrent qu'il donne la priorité à la livraison des deux Goliath destinés à Cuba, dont le contrat est signé en juillet ou en août. Les Cubains recevront donc deux des 5 appareils en production,  sans doute les n°4 et 6.

            S'étant engagé à envoyer dès que possible un Goliath en Colombie, Farman prévoit le n°7 dont le départ sera retardé, officiellement suite à la difficulté de trouver un navire capable de transporter les grandes caisses du Goliath à Puerto Colombia. Les n°5 et 8 sont attribués à la CGEA qui prévoit l'ouverture de Paris - Londres en mars.


            Ce calendrier de livraison est tendu. C'est sans doute pour garantir à la CGEA la disponibilité d'un appareil pour l'ouverture de la ligne Paris- Londres qui interviendra finalement en mars que Farman lui céde le F.60 n°3 dès le mois de décembre 1919.

F.60 n°3 piloté par Bossoutrot en mars 1920 pour le transport de courrier sur Paris - Dijon - Lyon - Marseille, puis le vol inaugural de la CGEA sur Paris - Londres.  Ce Goliath est, selon Louise Faure-Favier, peint en vert, sans doute le ton "vert amande foncé" des premiers Goliath. [© Michel Barrière]


            Le F.60 n°3 de numéro constructeur inconnu reçoit le CdI 28 avec l'immatriculation F-HMFU le 22 décembre. Enregistré au nom des frères Farman, c'est le premier Goliath du registre F. Le F-HMFU est aussitôt cédé par Farman à la "Compagnie des Grands Express Aériens (CGEA)".


1920

            Fin février 1920, le gouvernement décide d'utiliser les compagnies aériennes pour casser la grève des cheminots qui entendent bloquer le pays pour faire valoir leurs revendications.

            Des appareils des diverses compagnies sont mis en place pour assurer le transport du fret, du courrier et éventuellement de passagers vers les principales destinations françaises ou étrangères. Farman se voit ainsi chargé d'assurer les liaisons Paris - Marseille et Paris - Bordeaux


            Le 1° mars, le F-HMFU est sur le terrain du Bourget où le Colonel Saconney supervise les opérations. Il est prévu pour assurer le service sur la ligne Paris - Dijon - Lyon - Marseille. Un F.40 piloté par Minier se prépare en même temps pour rejoindre Tours, puis Bordeaux, tandis que le Nieuport 28 F-CGAT est chargé du courrier pour Londres.


            Ce "Goliath dernier modèle" [La Presse] quitte Le Bourget vers 10h50 dans les mains de Bossoutrot et Mulot, transportant 8 passagers (dont 2 reporters et Louise Faure-Favier) et 500 kg de fret et courrier.

            Après avoir fait escale à Dijon, il se pose à Lyon Bron à 18h15. Il en repart le 2 avec 3 passagers pour Marseille. Son retour vers Paris s'effectue dans de bonnes conditions.

            La grève s'étant immédiatement terminée, l'opération ne sera pas prolongée.

Le 1° mars 1920, sur le terrain du Bourget, le Colonel Saconney surveille la préparation des appareils qui transporteront le courrier pour casser la grève des cheminots : le F-HMFU partant pour Marseille est entouré du Nieuport F-CGT-A partant pour Londres et d'un F.40 allant à Bordeaux.

[La Vie Aérienne Illustrée via gallica.bnf.fr]

La Vie Aérienne Illustrée du 1° avril 1920. Devant le F-HMFU, le Colonel Saconney, directeur de la navigation aérienne (à g.) et Pierre-Etienne Flandin, Secrétaire d'Etat de l'Aéronautique et  des Transports Aériens (à dr.)

[www.gallica.bnf.fr]

            

            Le 6 mars, la CGEA inaugure sa ligne Paris - Londres avec le Goliath F-HMFU, dont le transfert ne sera cependant enregistré qu'en mai.

            L'avion est toujours piloté par Bossoutrot, chef-pilote de Farman, et son transfert à la CGEA ne sera enregistré qu'en mai. Toujours selon Louise Faure-Favier, il porterait encore pour ce vol la livrée Farman "vert amande foncé". Le nom de la compagnie est peint sur les flancs mais semble avoir été calligraphié rapidement ; son graphisme est en tout cas différent de celui qui sera ensuite adopté par la Compagnie.


            Ce vol inaugural emporte des passagers prestigieux, à commencer par le nouveau sous-secrétaire d'Etat de l'Aéronautique et des Transports aériens, Pierre-Etienne Flandin "qui donne l'exemple" (La Vie Aérienne Illustrée) en ne se comportant pas comme un "reste-à-terre" (Le Matin).

            Il emmène avec lui le Colonel Jacques Saconney, directeur de la Navigation Aérienne; Antoine Borrel, sous-secrétaire d'Etat aux forces hydrauliques; Monsieur Ribière, chef de cabinet du Ministre des Finances; M et Mme Charles Brousse (fils et chef de cabinet du sous-secrétaire d'Etat aux Finances).

            Quatre administrateurs de la CGEA dont son directeur général, M. Villiers, et Maurice de Waleffe, représentant Le Journal, participent également à ce vol.


            Partis du Bourget à midi, bénéficiant d'une météorologie très agréable, le Goliath se pose à Hounslow ce 6 mars à 14h00.

            Le 8 mars, le F-HMFU quitte Hounslow à 14h45 avec les mêmes passagers. Après avoir essuyé une tempête de neige sur la côte française, il se pose sans encombre au Bourget à 17h30.

            En juillet sont publiés les textes définissant précisément les marques qui doivent être utilisées pour l'immatriculation des aéronefs; ils imposent notamment l'apposition de l'immatriculation sur une surface blanche. Si aucune règlementation ne mentionne les drapeaux de dérive, les cocardes sont strictement interdites sur les avions civils ou commerciaux. Le Goliath n°3 F-HMFU reçoit donc à l'été sa nouvelle livrée.

            

            En 1921, le F-HMFU est en service sur la ligne Paris - Londres. Suite à une évolution de la règlementation pour les avions de transport commercial, notamment ceux survolant des zones maritimes, la partie supérieure du fuselage est modifiée : un panneau d'évacuation ("panneau de dégagement") est ajouté à l'arrière de la cabine; le pare-brise est modifié, élargi et renforcé, peut-être pour favoriser également l'évacuation par le poste de pilotage.

Le F-HMFU en livrée des Grands Express Aériens. [© Michel Barrière]

Le F-HMFU des Grands Express Aériens au Bourget à l'arrivée de Londres. On voit le panneau d'évacuation supérieur. La scène date au plus tôt de 1921. [Coll. M.Barrière]

Livrée d'Air Union que le HMFU portera jusqu'en 1927.

[© Michel Barrière]

            Le 17 septembre 1921, le HMFU en provenance de Paris se pose pendant le premier "Croydon Aviation Meeting".

            Son atterrissage est spectaculaire, une forte rafale de vent lui faisant toucher le sol de l'aile droite, heureusement sans dommage.

            

            D'après le suivi des vols publié par les journaux britanniques, il semble peu utilisé sur Paris-Londres au début de 1922.


            Le 1° janvier 1923, les Grands Express Aériens fusionnent avec les Messageries Aériennes pour créer Air Union qui donne à ses Goliath des noms de provinces françaises.

            Le F-HMFU effectue ce mois-là un vol Croydon - Paris en 1h50 mn. En mai 1923, il effectue Paris - Croydon en 2h35mn.


            Le 21 août 1923, le F-HMFU est accidenté à Croydon alors qu'il arrive du Bourget avec un transport de fret. Atterrissant en venant du nord, il s'approche trop des batiments de l'Aircraft Disposals Company et accroche la clôture avec son aile. Le Goliath fait un cheval de bois avant de s'écraser sur l'un des projecteurs du terrain. L'appareil et le projecteur sont très endommagés ; l'équipage est indemne.

            En janvier 1929, l'Ile de France est affecté aux vols touristiques autour du Mont Blanc. Piloté par Thoret, l'avion rejoint Passy-Mont-Blanc le 7 janvier. Le premier vol de la saison est effectué le 10 janvier avec 8 passagers à bord.

            Du 10 janvier au 8 mars, il effectuera 30 vols, emmenant au total près de 300 passagers.

Le F-HMFU dans la livrée "brun et or" d'Air Union qu'il portera en 1928 et 1929.

[ © Michel Barrière ]

Le F-HMFU dans la livrée "chamois et rouge" d'Air Union qu'il portera peu de temps avant son retrait du service.

[© Michel Barrière]

Le F-HMFU aux couleurs d'Air Union écrasé à Wadhurst [Le Grand Echo du Nord]

Le F-HMFU sur le terrain de Passy-Mont-Blanc en janvier 1929

            En février 1924, le F-HMFU baptisé “Île-de-France” est enregistré à Air Union. Il y reçoit la nouvelle livrée "brun chaud" de la compagnie. Il a également été mis au standard de la compagnie : gouvernail de direction agrandi, ailerons non compensés, porte de soute à bagage à l'avant. Le logo d'Air Union - modification de celui de la CMA - figure sur la proue de l'avion.


            Le 16 octobre 1925, piloté par Roger Thierry, le F-HMFU est pris dans le mauvais temps alors qu'il effectue une liaison Le Bourget - Croydon.


            Sans visibilité, Thierry tente d'atterrir à proximité de la gare de Wadhurst près de Tunbridge Wells, dans le Kent. Après avoir difficilement évité un pâté de maison, il parvient à se poser mais heurte un gros chêne, brisant une aile et le train d'atterrissage.

            Trois passagers américains, tous newyorkais, le Rev. Daniel Burke, pasteur de l'église St Philip Neri à New-York, sa soeur Katherine et leur frère Joseph, assis à l'avant de l'appareil, sont blessés dans l'accident; Mme Burke décède peu après. Leur nièce et trois passagers britanniques, MM. Ricardo Vinardi, Albert Tullice et M. Denny sont indemnes ainsi que le pilote et son mécanicien.


            A la suite de cet accident, le Goliath est réparé et reprend du service. Il est de nouveau accidenté au Bourget le 1° janvier 1927, et modernisé à cette occasion, recevant de nouvelles fenêtres et un aménagement intérieur revu, peut-être par suite de l'évolution des télécommunications (passage en ondes courtes).

            Depuis 1927, l'Air Union est extrêmement active pour utiliser des moteurs améliorant la sécurité des vols. Considérant que les vols ne peuvent attendre la mie au point des moteurs diesel, la compagnie fait porter son effort sur l'utilisation par les moteurs existants de l'essence de sécurité Ferrier à point d'inflammabilité élevé, ce qui implique un nouveau carburateur et l'adjonction d'un réchauffeur.


            A partir de septembre 1927, Air Union conduisit des essais au banc sur un Salmson 275 cv, puis sur un Salmson 260 cv CM9. Après 25 heures de fonctionnement dont un essai en continu de 5 heures, Air Union décida de passer aux essais en vol. Un Goliath (non identifié) reçut le moteur modifié à gauche, le moteur droit restant standard. Le 7 novembre 1927, il effectua un premier vol sur Paris - Londres en 3h55, revenant le 11 en 2h10. Un autre voyage eut lieu le 21 novembre, puis le 25 novembre avec une montée à 3500 m. Le 5 décembre, le vol suivant comporta des paliers à 1000, 2000 et 3000m. Le problème essentiel dans toute la période fut des trous au moment des reprises après un ralenti prolongé, problème finalement résolu par l'adjonction dans la prise d'air d'un volet rotatif commandé par la manette des gaz..

            Le 2 juillet 1928, l'ensemble du dispositif fut validé par un expert du bureau Veritas. Parallèlement à des essais au banc à Chalais-Meudon et en vol sur deux moteurs menés par le Ministère de l'Air, l'Air Union refit des vols sur paris - londres les 21 septembre, 20 et 26 novembre 1928. Zénith de son côté mit au point un carburateur dédié au nouveau carburant, intégrant une pompe à injection ( Carburateur Zenith 55 D.C.X.).


            Le Goliath n°3 F-HMFU est retiré du service en novembre 1930. Néanmoins, il restera utilisé sur Paris - Londres.


            A la suite du congrès de la sécurité Aérienne, Air Union obtint un contrat du STAé pour la réalisation de vols d'essais au-dessus de Boyrget et de 8 vols Paris - Londres, réalisé à la charge maximale. L'équipage était accompagné d'un ingénieur pilote et les vols au départ et à l'arrivée contrôlés par des experts du buraeu Veritas (réservoirs scellés, prélèvements systèmatiques)

            L'appareil utilisé pour ces essais sera le Goliath F-HMFU piloté par Loubiakoff accompagné du mécanicien Franck Dousselin.

            Lors du premier vol, à leur arrivée sur Croydon, le terrain est noyé dans un épais brouillard. Voyant une zone d'une centaine de m² dégagée autour d'une balise, Loubiakoff se pose à 60km/h avant de rentrer dans le brouillard, estimant ne prendre aucun risque. Ils échapperont néanmoins de peu aux sanctions.


            A l'issue de ces essais, le F-HMFU sera retiré du service et radié du registre au 1° semestre 1932.


            En 1931, s'est installée boulevard Victor à Paris, l'Ecole Nationale Supérieure de l'Aéronautique. Sur le même site se préparent les locaux qui constitueront en novembre 1932 un moderne "Musée de l'Aviation". Les installations du Musée de l'Aéronautique à Chalais-Meudon sont également en pleine restauration : elles deviendront une annexe au nouveau musée, et accueilleront un ensemble de pièces dont les collections viennet de s'enrichir : le Bréguet "Nungesser et Coli" de Costes et Le Brix; la collection des anciens moteurs Gnome-Rhône; l'autogyre de La Cierva qui venait d'effectuer le voyage de Londres à Paris et "le plus ancien fuselage du Goliath de transport". 


            Compte tenu de la destruction des n°1 et 2, le F-HMFU est alors le plus vieil exemplaire du type: son fuselage figure aujourd'hui au Musée de l’Air et de l'Espace du Bourget dans la dernière livrée portée par l'appareil, modifiée suite à l'adoption de la livrée "chamois et rouge" conçue par un décorateur britannique pour les "Golden Ray".

            Plus simple, la décoration des Goliath reprend la livrée chamois de la CMA, agrémentée d'un bandeau rouge. A la même occasion, la Compagnie adopte un entièrement nouvel insigne.

Le fuselage du F-HMFU et un moteur Salmson exposés au Musée de l'Air et de l'Espace en 2014 [Photo M.Barrière]

Tous droits réservés - Michel Barrière - crezan.aviation@gmail.com

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