Crezan
F65
F65

F.65 n° 1

 F-ADFM


            Alors que Farman travaille encore sur le prototype du Goliath, la société est assaillie de demandes de "sportsmen", touristes et hommes d'affaires passionnés de vol et désireux de voir l'aviation privée bénéficier des progrés techniques accumulés pendant le conflit. En décembre 1918, Farman commence à parler d'avions-école, d'avions de tourisme bi- ou tri-places et d'avions de transport commercial, recherchant d'abord des solutions permettant de rentabiliser la trilogie F.40 / F.50 / F.60 issue de la guerre.


            La réouverture de l'école de pilotage de Toussus est rapidement programmée et dès le début de 1919, les inscriptions se multiplient.


            Au printemps 1919, quelques amateurs commencent à effectuer les premiers vols de tourisme sur les avions Farman disponibles : bi- ou tri-places de type F.40, avions-limousines F.50, tous appareils d'un coût élevé à la production hormis quelques surplus.

            

            En mai 1919, Farman présente le "Moustique I", petit monoplan doté d'un moteur ABC de 20/30 cv, appareil rappelant l'avant-guerre, ne pouvant répondre aux goûts de pilotes souvent trés expérimentés, souvent anciens pilotes de guerre.


            L'annonce du FF.65, d'abord dénommé "David" pour faire pendant au "Goliath" mais dont le nom commercial sera finalement "Sport-Farman" F.65, a lieu vers la mi-octobre 1919. L'événement sera retardé par l'inquiétude de plusieurs jours sur le sort de l'équipage du Goliath n°1 disparu en août au cours de son raid Paris-Dakar.

Le David en octobre 1919 : la place arrière sera avancée pour satisfaire au centrage. [L'Aérophile, novembre 1919]


            Ce n'est que vers le 15 octobre que les journaux français et étrangers commencent à mentionner que "la maison Farman achève de construire un petit biplan baptisé "David" avec lequel Bossoutrot, sitôt revenu du Maroc, envisage un voyage de tourisme Paris-Casablanca".


            L'Aérophile de novembre 1919 présente le nouvel appareil motorisé par un Le Rhône 7 cylindres de 40 cv et sur lequel dès le mois d'octobre, Chevillard a effectué à Buc "des vols prestigieux et des loopings sensationnels".

            On ne saurait faire plus simple et moins coûteux: construit en bois et toile, d'une envergure de 7,11m et d'une longueur de 6,13m, il ne pèse que 200kg et emporte une charge utile similaire. Les pièces sont standardisées, les ailes interchangeables pour faciliter la maintenance. Sa consommation est faible : avec son moteur Le Rhône 7 cylindres de 45cv, il est dit ne coûter en essence et en huile que 13 centimes au kilomètre. Sur le prototype, le passager est décalé vers l'arrière; l'obtention d'un centrage correct imposant son déport vers l'avant, ses jambes encadrent le siège pilote et son grand pare-brise initial n'y survivra pas.


            Le 1° novembre 1919, le registre F est ouvert, peut-être trop tardivement pour qu'une immatriculation soit immédiatement donnée à l'appareil.

            Farman a son projet pour crédibiliser la formule de l'avion de tourisme : réaliser un grand voyage et le documenter pour en montrer la validité technique et économique : Bossoutrot, juste revenu du Maroc après le sauvetage de l'équipage du Goliath, est chargé de mener à bien ce projet.            

            Le 2 novembre, les journaux enthousiastes annoncent qu'après des essais concluants Bossoutrot a décollé de Toussus le 1° novembre vers 10h00 avec son F.65 pour un voyage de 6500 km: parti de Paris, il ralliera Bordeaux, Biarritz, Saint-Sébastien, Vittoria, Madrid, Cordoue, Séville, Gibraltar, Tanger, Rabat, Casablanca. Après un peu de tourisme au Maroc, il devrait revenir par Perpignan, Toulouse et Lyon pour arriver à Paris avant le début du Salon Aéronautique le 19 décembre.


            Un tel voyage à l'époque aurait dû soulever les curiosités. Mais les journaux restent étonnamment muets sur ce vol. La Gazette de Bayonne, Biarritz et du Pays Basque l'évoque le 4 novembre, mais en l'annonçant comme un projet futur.

            Seul L'Intran annonce le 7 novembre la présence de Bossoutrot à Biarritz pour un vol que Farman ne présenera finalement que comme un voyage de démonstration Paris - Biarritz.

            

            La brochure très soignée éditée ensuite par Farman insiste sur la faiblesse de la consommation pour le trajet Paris-Biarritz et retour, et le caractère très raisonnable de l'investissement. Mais la consommation et ce qu'elle implique ne sont pas commentés : la faible autonomie de l'appareil et la faible puissance du F.65 avec un fort vent de face ont beaucoup retardé son arrivée à Biarritz, et la faible charge utile ne facilite pas l'emport de rechanges sans infrastructure préparée.

Bossoutrot et le F.65 n°1 en novembre 1919


            Le 11 décembre, "La Presse" publie: "On travaille ferme chez Farman, le petit biplan David transformé en monoplan avec réservoir supplémentaire, avec lequel Bossoutrot va entreprendre un raid d'ici peu [sic]. Ce raid l'amènera probablement d'ici le Salon aux rives nord-africaines et il serait de retour pour l'ouverture, c'est à dire pour le 19 décembre ... si tout va bien d'ici là."


            Si la Presse du 30 décembre mentionne toujours le maintien du vol après le Salon, ce projet ne verra cependant pas le jour, Bossoutrot ayant probablement beaucoup à faire avec le succès du Goliath, ainsi qu'avec les tentatives de records des avions Farman.


            Dans les années qui suivent, le F.65 n°1 ne fait guère parler de lui: il sert probablement d'avion d'écolage et de démonstration à Toussus. Dans les premiers mois de 1920, Bossoutrot assure des vols sur Goliath ainsi que la préparation et l'obtention du record de distance et de durée. En juin-juillet, il participe au "Prix du Grand Ecart de Vitesses", mais avec le Sport Farman F-EHMF spécialement modifié pour ce concours. Du 1° au 3 octobre 1920, Bossoutrot participe au meeting de Buc toujours avec le Sport-Farman F-EHMF avec lequel il a remporté le prix du Grand Ecart.


            Le 5 décembre 1921, le F.65 n°1 est enregistré comme F-ADFM au nom de la société Farman avec le CdI n°737. La date de construction 1921 indiquée dans le registre Veritas s'explique probablement par sa mise au standard de l'époque, concrétisée par sa remotorisation avec un moteur Anzani 6 de 60cv.


            Il semble que le F-ADFM ait été ensuite reconverti avec un moteur Anzani de puissance accrue à 70/80 cv, modification accompagnée d'un renforcement structurel, car, du 26 mai 1923 au 14 mai 1925, Bossoutrot pilote épisodiquement un "David 209", dénomination du F-ADFM qui deviendra "officielle" en 1931.

"F.209 n° 28"

 F-ADFM


            Le F.65 F-ADFM réapparait alors dans le registre Veritas sous la forme d'un "F.209 n°28". Ce numéro de série 28 peut être lié à une reconstruction en monoplace ayant conduit à un nouveau numéro de série. En 1932, le BNAe confirme cet appareil comme étant le F.65 n°1.


            Le F65 F-ADFM, devenu monoplace et révisé à Toussus-le-Noble en juillet 1931, est enregistré en 1932 au nom de M. Richard et basé à Nice.

             Il est réformé en 1933.

  

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